On a suffisamment polémiqué sur le problème de l’utilisation ou non du mythe fondateur du celte chevelu comme Adam français, sur sa véracité historique et sur l’appropriation du grand guerrier blond par un petit excité brun[1]toute référence aux HLPSDNH serait parfaitement fortuite, qu’allez-vous imaginer là?. Il y a cependant un point sur lequel on s’est peu apesanti, et c’est celui de l’incohérence profonde entre cette vision et celle (défendue par les mêmes personnes) du droit du sang.En effet, il y a trois visions assez irréconciliables de l’appartenance à une nation (ou plus généralement une communauté humaine):
- la première, qui nous intéresse assez peu pour le moment, est une vision purement contractuelle: je suis français/européen parce que j’adhère à un pool de règles et de valeurs communes à ceux qui se disent tels. La limite est vite atteinte, c’est quand les règles sont trop pesantes ou que les valeurs ne cadrent plus avec ma Weltanschauung[2]oui, j’aime utiliser des mots allemands, parfois. Dans ce cas, j’envoie tout valser, tel de Boris Johnson moyen. Et l’expérience prouve qu’on construit difficilement une unité dessus.
- la seconde, c’est le droit du sang, c’est à dire le fait de tenir son appartenance de son ascendance, qui reste une forme largement utilisée dans le monde, qu’il s’agisse de nations ou de communautés (les juifs, les mormons – dont le goût pour la généalogie, afin de se raccorder à l’une des 12 tribus d’Israël, est notoire, ou les élèves de la Maison d’Education de la Légion d’Honneur)
- la troisième, c’est le droit du sol: on est de l’endroit où l’on nait (et plus généralement de l’endroit où l’on a grandi, ou où l’on vit). Ce type d’appartenance est souvent associé aux terres d’immigration (il a été le droit en vigueur aux Etats-Unis, en Australie, et l’est encore au Brésil).
A dire vrai, la plupart des droits nationaux sont un joyeux (et bordélique) mélange des deux (voire des trois) conceptions, le fait est qu’elles sont assez peu conciliables. L’une se situe dans le temps, l’autre dans l’espace. L’une se réfère au passé, l’autre s’ouvre sur l’avenir.
Et le fait de se réclamer du Lavisse, pour moi, revient à acter que l’on croit au sol plus qu’au sang. Ce Lavisse dont on faisait des gorges chaudes en Histoire en expliquant à quel point les colonisateurs français hi hi hi étaient ridicules de faire apprendre aux petits africains que leurs ancêtres les gaulois, etc etc.
Vouloir d’un côté promouvoir une inculturation commune à tous les résidents français (puisque c’est ça, au fond, l’idée derrière le retour au Roman National) et expliquer en parallèle que vous êtes bien gentils, les enfants d’étrangers, mais vous êtes quand même pas vraiment tout à fait comme nous, je suis désolé, mais je trouve ça profondément incohérent.
J’ai bien peur que l’incohérence ne soit pas considérée comme un problème majeur par nos gouvernants (ou aspirant a l’être). (par contre personnellement merci d’avoir mis en lumière qu’une vision est tournée vers le passé et une autre vers l’avenir, je n’avais jamais vu ça sous cet angle)
Après, je ne suis pas non plus certain que le déracinement complet d’une personne soit une bonne idée. Généralement, quand on fait du passé table rase, on casse pas mal de vaisselle…
Il manque une vision, celle d’appartenir à une communauté humaine en y assumant son histoire, toute son histoire, avec ses ombres et ses lumières.