Contre Philippe

Disclaimer! Ce billet risque d’horripiler plus d’un de mes lecteurs (en particulier, mon public favorable au mariage pour tous – et je sais qu’il y en a).
Mais un Fol Bavard m’a mis au défi de réfuter le troll qu’est ce Philippe A. Je m’exécute donc, en reprenant mes bonnes habitudes de joutes verbales de la grande époque (qu’il s’agisse de véritables troll-wars ou de disputationes avec d’aimables interlocuteurs avec qui je disconvenais respectueusement), je fais un démontage point par point de sa tartine.

Ne passez donc ce saut qu’à vos risques et périls (et je vous préviens, comme c’est chez moi, je censure violemment toute attaque en commentaire…)

Le message original peut être lu ici (je décline toute responsabilité en cas de crise d’hystérie ou de perte brutale de santé mentale à la suite de la lecture du reste de ce site)

LA DÉFENSE DU MARIAGE FEMME-HOMME EST PRIORITAIRE PAR RAPPORT À LA DÉFENSE DE LA FILIATION. Cela peut paraître provocateur de le dire mais 1) c’est une réalité ; 2) cela permet de couper court aux arguties sur les couples stériles, sur les couples trop âgés pour avoir des enfants, ou sur les célibataires consacrés.

Pour l’instant, pas grand-chose à dire, à part que je trouve bien péremptoire cette affirmation, et que je ne vois pas ce que viennent foutre les célibataires (consacrés ou non) dans un débat sur le mariage (pour tous éventuellement) et la filiation. Après tout, point n’est besoin de passer devant le maire/le curé/le rabbin/le grand stratéguerre pour pouvoir avoir des enfants et donc générer des problèmes de filiation (et la sacralisation du célibat ne rend pas les gens subitement incapable d’avoir des enfants. C’est les vasectomies et les ligatures qui permettent ça).

Dans notre mouvement contre les lois gouvernementales prises dernièrement par les ministres de François Hollande, certains me reprochent de me fixer sur le « mariage pour tous ». Pour eux, le combat pour l’abrogation de la Loi Taubira est d’arrière-garde, vu que la loi a été promulguée, qu’il n’est pas plus important que d’autres lois à venir qui concernent la filiation.

Oui, et c’est une simple question de logique: si, avant le vote de la loi, il n’a pas été possible de faire « reculer » le gouvernement, je ne vois pas vraiment comment ni pourquoi il reviendrait subitement sur son avis maintenant. La question de la loi Taubira n’est donc pas enterrée, mais passe clairement (et temporairement) au second plan derrière les autres lois. Celles qu’on peut encore empêcher, si l’on se mobilise maintenant.
La loi Taubira, il pourra toujours être question de sa rediscussion quand les circonstances seront favorables (genre quand il y aura un gouvernement et une majorité plus enclins à revenir dessus…)

Alors pourquoi on ne doit pas passer à autre chose que le mariage (c’est-à-dire les luttes pour la filiation, contre le Gender, l’euthanasie, les manipulations sur embryon, la PMA, la GPA, la Syrie, etc.) et pourquoi doit-on encore continuer à faire de notre demande d’abrogation du « mariage pour tous » notre principale revendication ? À on sens, pour trois raisons :

Oui, je veux bien que tu m’expliques pourquoi, parce que franchement, entre une lutte inutile contre une loi promulguée face à un gouvernement sourd et des problèmes au moins aussi (voire plus, de mon point de vue, dans le cas de l’euthanasie ou la GPA[1]je mets la Syrie à part, parce que je trouve que ça n’a rien à foutre dans la suite d’exemples, qui sont jusqu’ici des choix pour notre société. La Syrie, c’est de la … Continue reading) graves…

1) Parce que la défense du mariage est plus centrale que la filiation (tout comme la différence des sexes prime sur la différence des générations). Je n’y peux rien : c’est un constat. D’ailleurs, on s’en est rendu compte tout au long de l’année dernière : les Français se sont davantage mobilisés contre le « mariage pour tous » que contre l’avortement ou les « Marches pour la Vie » qui l’ont précédé. Pourquoi cela ? Parce que, comme l’expliquent par exemple Vincent Rouyer ou Guillaume Bernard, autant la pratique des avortements a de tous temps existé (malheureusement), autant jamais, comme c’est le cas aujourd’hui, des civilisations n’avaient remis en cause la différence des sexes, et donc le mariage. C’est une grande première dans l’histoire de l’Humanité que l’identité femme/homme des êtres humains soit banalisée ou détruite par une loi qui régit, à travers le mariage, la structuration de toute société humaine. Aussi bizarre que cela puisse paraître (car les deux sont liés), en touchant au mariage, on nie davantage l’Humanité qu’en touchant à la filiation, qui découle du mariage.

Ah bon, c’est « un constat ». Et l’on prend comme exemple la mobilisation. M’enfin à ce jeu-là, l’école libre est plus importante que le mariage (même en prenant les chiffres optimistes des organisateurs, les manifs de la défense de l’Ecole Libre en 84 éclatent ceux de la manif pour tous…). Et je suis sûr qu’en additionnant tous les gens qui n’aiment pas l’hypocrisie dans leur portrait chinois, on pourrait faire de la lutte contre l’hypocrisie la cause la plus centrale du monde des bisounours…
Argument suivant « de tous temps, on a avorté alors que le mariage entre un homme et une femme, c’est éternel »… Heu comment dire? Déjà, rien que la monogamie n’est pas une notion acceptée globalement de nos jours. La copulation procréatrice homme-femme, par contre, je ne dis pas, mais comme dit en introduction, cela n’a rien à voir avec le mariage, et tout avec la filiation.
Quant à la question de la structuration de la société humaine, même sans avoir fait de sociologie ni d’ethnologie, je sais que ce n’est pas la seule façon de structurer un groupe humain. Et pour être tout à fait franc, l’association « horizontale » d’un homme et d’une femme ne structure pas grand-chose tant qu’il n’y a pas également une dimension « verticale » de filiation. L’inscription dans « une lignée » est à mon sens plus « structurante » (dans le sens où c’est d’abord par rapport à sa famille – ou son absence de – que l’on se construira, et ce dès l’enfance) qu’un partenariat établi à l’âge adulte avec un autre adulte consentant…

2) Parce que si nous ne choisissons pas un grand cap prioritaire (celui qui d’ailleurs a donné naissance aux Veilleurs, si on y réfléchit bien), nous risquons de transformer notre mouvement des Veilleurs en grand zapping, en fourre-tout, en grande salade qui traite de plein de sujets éthiques ratissant très large (sujets tous importants, tous indirectement liés, mais au service d’idées très abstraites : « l’éveil des conscience », « la défense de la Vie et de l’Espérance », « la lutte contre une culture de mort », etc., toutes ces idées qui démobiliseront très vite les gens). Il y a bien une hiérarchie de priorités dans notre combat. Le « mariage pour tous » n’est pas une loi comme une autre, qui vient s’ajouter à plein d’autres lois tout aussi graves (avortement, divorce, contraception, PaCS…). Elle est plus grave que les autres.

Encore une fois, non, mais non. Le Mariage Pour Tous n’est pas le Grand Satan qui serait pire que le reste. Penser cela, c’est s’attacher à la manifestation et rater complètement le mouvement qui sous-tend l’ensemble de ces lois, et que Michéa pointe très bien dans l’annexe à son bouquin « Les Mystères de la Gauche » sur le sujet: la démarche de destruction systématique de l’ensemble des structures intermédiaires entre l’Homme et la société, et qui est avancée par étapes successives, depuis la libéralisation du divorce jusqu’à, aujourd’hui, le mariage pour tous.
Quant à la « démobilisation », elle a plus de chances de venir de l’ennui causé par la répétition des mêmes concepts et arguments plutôt que par l’alimentation de la réflexion. De ce point de vue, la loi Taubira a été un splendide catalyseur pour pousser des gens (et en particulier des jeunes) à la curiosité intellectuelle, philosophique, juridique. Maintenant que la pompe est amorcée, il faut alimenter, en faisant feu de tout bois, plutôt que de se scléroser en tournant en rond autour d’un pot de lait ranci…

3) Parce que le seul facteur déstabilisant et qui fera véritablement suer nos gouvernants, c’est qu’on s’attache encore à la loi du « mariage pour tous ». Ils n’attendent qu’une chose : qu’on lâche le morceau, qu’on passe à autre chose, qu’on s’éparpille sur plein d’autres sujets qui découlent du mariage, et qui leur fera oublier leur acte honteux. Rien ne les embêtera plus que notre demande réitérée et ferme d’abrogation du « mariage pour tous ». C’est notre persévérance à réclamer toujours la même chose qui les questionnera et les déstabilisera le plus. Et si je dis cela, ce n’est pas pour prôner l’entêtement volontariste en soi (on peut s’entêter sur des bêtises), mais parce que le combat pour la différence des sexes et du mariage en vaut la chandelle.

Alors c’est ça, en fait: être chiant et obstiné? En tant que parent, j’ai un principe assez radical: « on ne négocie pas avec les gosses chiants ». Venir brandir le mariage pour tous en préambule à n’importe quelle revendication est pour moi contre-productif à plusieurs niveaux:
– d’abord vis-à-vis du gouvernement, qui a visiblement un filtre qui génère un bruit blanc dès que le mot « mariage pour tous » est prononcé
– ensuite vis-à-vis des gens qui ont un autre avis que nous sur la question du mariage (et même parmi les opposants à la loi Taubira, tout le monde n’est pas « ourieniste » – il y a une vraie question en creux, qui peut, et qui, aux yeux de nombreuses personnes doit être étudiée, sur les couples de même sexe), et qui ne viendront pas nous soutenir sur d’autres questions (aussi voire plus importantes)…
Après, je suis parfaitement d’accord sur le fait de sanctionner les gouvernants actuels si le bilan ne nous plait pas. Mais ça ne se fait pas en étant juste chiant. Il faut être force de contre-proposition en face.

Ne perdons pas la mémoire de notre combat : le MARIAGE d’amour FEMME-HOMME. N’opposons pas la défense de la filiation avec la défense du mariage femme-homme, mais gardons en tête que la défense du mariage est plus importante. Idéalement (c’est une suggestion), il faudrait qu’à chaque début de Veillées des Veilleurs, nous rappelions ce fondement de notre lutte.

« C’est pas ma guerre » (John R.)
Le « mariage d’amour homme/femme » n’a jamais fait partie de mon package de revendications dans la lutte contre la loi Taubira.
D’ailleurs, c’est même totalement hors-sujet. Ce n’est pas parce qu’on s’aime qu’on se marie (et vice-versa, surtout dans le mariage civil, puisqu’il n’est même pas question d’amour, mais de contrat). Et même au contraire: le « mariage d’amour » servirait plutôt à justifier l’existence d’un mariage entre personnes de même sexe, parce que je ne vois pas trop sur quels critères mesurables on peut juger de la pureté des sentiments de deux personnes, qu’elles soient de même sexe ou de sexe différent (je sais qu’il y a tout un tas de tartine sur ton site traitant de la « névrose » de la relation amoureuse homosexuelle, sur laquelle je ne me prononce pas ici – parce que c’est long, alambiqué, et que je n’ai pas vraiment d’expertise sur le sujet – mais ce que je peux dire, c’est que des relations amoureuses hétérosexuelles peuvent être également parfaitement névrosées…)
Quant aux Veilleurs, une fois de plus, ce n’est pas le but (à mon avis). Le but, c’est la réflexion, et la nourriture spirituelle. Pas un regroupement d’anciens combattants plus ou moins aigris par la défaite de la lutte…

Avec la loi Taubira, la France a touché le fond. Car le mariage fonde tout : l’identité (ou la différence des sexes corporelle) + l’amour (le couple ou la différence des sexes relationnelle) + la filiation (la famille ou la différence des sexes procréative/filiative)… là où le Gender n’aborde pas tous ces aspects (l’identité, oui ; la filiation, oui ; mais pas l’amour), là où la PMA et la GPA et l’adoption n’abordent qu’un seul de ces aspects (la filiation).

Non, la France n’a pas touché le fond. Je suis certain qu’on peut faire bien pire… (ouais, j’adore être un incorrigible optimiste)
Et le mariage ne fonde rien du tout, il se contente d’établir un cadre juridique pour la filiation. Cadre juridique que l’on pourrait parfaitement définir de façon différente (et qu’il n’est pas exclu que nous ayons à le construire de façon complètement différente).
Quant au « Gender » (rhoputain, que j’aime pas ce terme), si l’on le comprend comme le fait que l’identité sexuelle soit une construction sociale pure et qu’il faille le détacher des déterminismes sociaux, il touche à l’identité, oui, mais pas à la filiation (puisqu’on est dans la question de la personne en tant que telle, et pas de ses relations avec ses ascendants ou descendants), et, au contraire, à l’amour (puisque, parait-il, on peut aimer qui l’on veut – enfin aimer au sens sexer).
Et pour finir sur la GPA et la PMA, le problème dépasse les « simples » questions de filiation, puisque c’est une ouverture sur la chosification de l’être humain.
– chosification par la fabrication. Avec la PMA, on entre dans un processus « industriel » de fabrication d’embryons (et avec les développements de l’utérus artificiel d’une part, et des travaux sur les cellules souche/le clonage d’autre part, on est en train d’apprendre à maitriser « la chaine de production » – d’un point de vue scientifique, c’est génial, d’un point de vue éthique, c’est putain de flippant)
– chosification par la marchandisation. Et là, c’est la GPA qui est en ligne de mire, puisque le concept consiste quand même à payer quelqu’un pourqu’il nous fournisse un enfant. Et l’on se rappellera à bon escient le cynisme de Pierre Bergé sur la question de la location des ventres…
Je ne voudrais pas avoir l’air de m’apesantir, mais ces deux questions sont un petit peu vachement plus essentielles que l’évolution d’un contrat à peine bicentenaire…

Ne l’oublions pas !

En répondant de façon trollesque: au contraire! Le mariage pour personne! (revendication que je pique à l’excellent Basile de Koch) Mais la filiation pour tous…

References

References
1 je mets la Syrie à part, parce que je trouve que ça n’a rien à foutre dans la suite d’exemples, qui sont jusqu’ici des choix pour notre société. La Syrie, c’est de la politique internationale, c’est un peu comme mettre ensemble des renards (coucou @Khagnine!) et des champignons sous prétexte qu’on peut trouver les deux en forêt

4 commentaires

  1. Bah voilà ! Ça c’est bien ! Du bon boulot !
    C’est comme ça qu’il faut répondre à Philippe Arino !

    Bonne argumentation. Solide. Démontage de vent en bonne et due forme.

    Maintenant il faut aussi s’attaquer à sa vision de l’homosexualité.

  2. C’est sur qu’en restant autant en surface, tu ne risques pas de capter grand chose à la pensée de Philippe Ariño. Son analyse de l’hétérosexualité, est encore plus intéressante que celle de l’homosexualité et explique très clairement pourquoi la bataille contre le mariage homo était perdue depuis longtemps (je que je n’ai pas compris tout de suite: moi aussi ça m’a fait bizarre quand je l’ai entendu dire pour la première fois aux veilleurs « vous n’êtes pas des hétérosexuels »).

    Le traiter de troll est lamentable, je ne pense pas que tu réalises le chemin qu’il a du parcourir pour arriver à construire sa pensée.

    « Mais un Fol Bavard m’a mis au défi de réfuter le troll qu’est ce Philippe A. Je m’exécute donc, en reprenant mes bonnes habitudes de joutes verbales de la grande époque (qu’il s’agisse de véritables troll-wars ou de disputationes avec d’aimables interlocuteurs avec qui je disconvenais respectueusement), je fais un démontage point par point de sa tartine. »

    Ca va les chevilles?

    1. Je vais être direct (et sûrement très méchant, mais ça tombe bien, je ne suis pas payé pour être gentil): si je ne comprends rien à la pensée de Philippe, c’est qu’elle est au mieux mal exprimée. Et comme j’aime bien les citations d’auteurs, sur ce sujet je ressors mon Boileau préféré:

      Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
      Et les mots pour le dire viennent aisément

      Donc je juge l’expression de la pensée, et je la réfute (à la hache, j’en conviens). Maintenant, le principe de la disputatio, c’est aussi que l’on vienne réfuter ma réfutation, et ainsi de suite jusqu’à ce que chacun progresse dans la compréhension de l’autre.

      Qu’untel ait « beaucoup souffert », « terriblement mûri sa pensée » ou whatever, je m’en cogne. Je juge les faits, les actes et les écrits.

      Quant à le qualifier de troll, je persiste et je signe. Parce que balancer des conclusions sans argumentation, asséner des opinions comme des vérités éternelles et immuables, c’est du troll dans la plus basique acceptation du terme (ndlr: le type qui insulte les gens, c’est un rageux, pas un troll, chez moi). Qu’on ait beaucoup réfléchi ou pas.
      Le truc, c’est que quand on a beaucoup réfléchi, on a généralement les arguments pour répondre à ses détracteurs (et donc à dépasser le stade du troll).

      Et oui, les chevilles vont bien merci. J’ai peut-être un style pompeux (et je suis d’une immodestie rare quand j’écris), mais le paragraphe faisait référence à une époque (révolue, et je le regrette, parce que certains de mes interlocuteurs étaient d’une culture, d’une érudition, et d’un sens de l’argumentation rares – et bien loin au dessus de moi) où le débat se déroulait sur des forums et où l’on argumentait à coups de quote-wars (citer un paragraphe, le réfuter, l’amender, ou bien donner son accord, puis passer au suivant). Mais bon, je parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre…

  3. Bien d’accord, qu’untel ait souffert n’est absolument pas une raison de ne pas le contredire. Par contre le traiter de troll est absolument faux, justement parce que le type a réfléchi. J’ai mis du temps à comprendre ce qu’il voulait dire et je ne prétends pas être d’accord avec lui sur tout. Mais je pense avoir saisi sa pensée (même sans lire aucun de ses livres ce que je vais essayer de faire). Ce qui veut dire, vu que je ne suis pas spécialement intelligent, que ses phrases ne sont pas aussi péremptoires qu’elles en ont l’air. Lui aussi a un ton assez tranché, mais dit ce qu’il a à dire avec une grande charité.

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