On n’a pas le même maillot, mais on a la même passion

Ceux qui me suivent sur Twitter savent que je joue au rugby à 5 (et ceux qui me lisent ici se rendent compte que je recycle mes intros), et cette année, c’était le retour des phases finales après deux ans d’absence pour les raisons que nous connaissons tous. Mais cette année, il y avait deux changements majeurs

Le premier, c’est que c’était organisé chez moi [1]enfin pas chez moi chez moi, je n’ai pas un jardin assez grand pour y installer l’équivalent de 5 terrains de foot, et la seconde, c’est que j’ai un peu changé de maillot.

J’ai en effet profité de la récente disposition de la FFR en matière d’arbitrage pour passer un certificat capacitaire d’arbitrage loisir[2]les rugby(wo)men qui me lisent peuvent également tous le passer, dans toutes les catégories et je m’étais donc porté volontaire pour assister à l’arbitrage pour le tournoi. Puis les circonstances[3]une paire de malades dans le panel d’arbitres ont fait que je me suis retrouvé directement dans le grand bain.

J’ai dix ans de pratique dans les jambes et cela fait déjà plusieurs années que je le faisais sur des plateaux régionaux, mais là, c’est quand même un autre niveau…

Et. C’était génial. Mais dur. Mais génial.

Génial, parce que c’est un vrai plaisir de travailler en équipe. Même si on est seul sur le terrain, il y a toujours un œil amical sur la touche pour aider sur certaines situations litigieuses et donner des conseils d’attitude ou de placement. Le fait que nous ayons été rejoints par quelques arbitres venant d’autres ligues régionales et qui avaient déjà une bonne habitude de la discipline était également un grand plus (ne nous cachons pas – parce que c’est notoire 🙂 – le gros problème du rugby à 5 est que la discipline est trop récente pour que suffisamment d’arbitres aient suffisamment d’expérience, ce qui fait qu’il n’est pas rare de se retrouver sur le terrain avec des équipes qui connaissent mieux les règles que l’arbitre). Et l’arbitrage à trois[4]oui, on n’en est pas encore à avoir un TMO en finale, c’est vrai plaisir.

Génial aussi parce que les équipes sont globalement positives, même quand la pression est là, même quand l’arbitrage n’est pas au niveau, même quand les décisions sont contraires. Si d’aventure des gens qui étaient là passent par ici, sachez que c’est quelque chose que j’ai apprécié.

Dur, parce que c’est d’abord super physique. On court tout le temps, et contrairement aux joueurs, on n’a pas la possibilité d’être remplacés en cours de match. Mes collègues qui avaient des montres connectée (erreur de débutant, je n’avais pas prévu de montre…) comparaient d’ailleurs leurs distances parcourues, et aucun n’était en dessous de 10km parcourus par journée de tournoi. Ajoutez à cela le fait qu’il faut parler (enfin crier) beaucoup, et vous retrouvez un Skro lundi matin avec ni jambes ni voix.

Dur aussi parce qu’on a une pression énorme. On est garants du jeu, et on n’a pas droit à l’erreur. Or des erreurs, on en fait (tout le temps peut-être pas, mais on est tous faillibles), avec parfois des conséquences importantes. Pour ma part, j’admets sans soucis une erreur dans le décompte du score d’un match (corrigée par les deux capitaines, merci à eux), qui donnait à une équipe un bonus offensif ou non, ainsi que quelques soucis dans la gestion des chronos (sur un des matchs, mon assistant m’annonce la fin du temps une minute avant la fin de la première mi-temps – on a récupéré sur la deuxième. Et sur un autre, j’aurais effectivement dû arrêter le chrono un peu plus longtemps). Mais aussi parce qu’on doit interpréter la règle et s’y tenir, et tenir face à des équipes qui n’en ont pas la même interprétation. Dur enfin parce qu’en tant qu’arbitre, on se doit de ne pas avoir de cœur sur le terrain, et que même avec ça, on s’en veut toujours un peu d’avoir pris des décisions qui ont amené la défaite d’une équipe qu’on apprécie par ailleurs…

Génial, enfin, parce que j’ai eu la chance d’arbitrer la finale du tournoi Entreprises (et j’en profite au passage pour remercier à nouveau les autres arbitres pour leur confiance). Et puis parce que j’ai pu assister à un magnifique cas d’école d’arbitrage sur la finale de l’open masculin.

Point de règlement: le touché et le toucheur ne peuvent se déplacer et/ou rejouer que lorsque le relayeur a passé le ballon ou s’est éloigné balle en main de la cellule toucheur-touché

(règles du rugby à 5 2020)

Sur la dernière action du match, alors que les deux équipes sont à 2-2, le relayeur part, puis fait une passe à son coéquipier qui avait été touché, lequel part et va marquer. L’essai est d’abord accordé par l’arbitre de champ avant que son juge de touche vienne la voir. L’essai est finalement annulé et un dernier touché redonné à l’équipe attaquante (qui ne marque pas. S’ensuivent des prolongation, et au final ce sont eux qui gagnent).

On en a rediscuté après ensemble, et elle considérait que le joueur avait fait 5 m, alors que son juge de touche considérait que non[5]j’étais de l’avis du juge de touche, et pas seulement parce que les défenseurs étaient l’équipe du club :D. Et au final, la décision prise était cohérente: il y avait un doute sur la faute, donc l’essai n’a pas été accordé, mais le ballon n’a pas été rendu à l’équipe qui défendait. Et c’était parfait pour la dramaturgie du match 🙂

Après la fin du match

Au final, ça a été un super week-end, une expérience très enrichissante, et une première qui ne sera certainement pas une dernière.

References

References
1 enfin pas chez moi chez moi, je n’ai pas un jardin assez grand pour y installer l’équivalent de 5 terrains de foot
2 les rugby(wo)men qui me lisent peuvent également tous le passer, dans toutes les catégories
3 une paire de malades dans le panel d’arbitres
4 oui, on n’en est pas encore à avoir un TMO
5 j’étais de l’avis du juge de touche, et pas seulement parce que les défenseurs étaient l’équipe du club :D