Con/Texte

Dans le tourbillon des polémiques de ces derniers jours et dans lequel j’essaie d’entrer aussi peu que possible, il y a quand même un point sur lequel je voudrais revenir: le retrait temporaire d’un film d’une plateforme de vidéos à la demande, afin « de le recontextualiser ». Autant dire que sur les réseaux sociaux, tous les enfers se sont déchaînés. Et que, bien évidemment, je ne suis d’accord avec personne, parce que j’ai le sentiment diffus que tout le monde a un peu tort (et un peu raison).

Les américains et la « contextualisation »

Quand on pense « contextualisation » d’un film de notre côté de l’Atlantique, on voit généralement un documentaire avec des experts replaçant l’œuvre dans son époque, la vision de son auteur, ou en montrant les parallèles et les différences avec l’événement historique ou le livre dont il s’inspire. Et c’est vachement bien, intéressant et tout. Mais généralement, pour les américains, la « contextualisation », c’est pas ça.

Ca m’a particulièrement frappé au moment du lancement de Disney+ (la plate-forme de VOD de Disney), mais c’est en fait déjà présent depuis des années (voire des décennies dans l’univers du jeu vidéo): de plus en plus de choses sont sujettes à disclaimers.

Ainsi, lors d’un making-of, « les propos tenus par les personnes interviewées ne reflètent pas nécessairement la position du studio », quand Davy Crockett tue des indiens ou des mexicains, c’est « le reflet d’une autre époque », et quand l’Ile Au Trésor raconte l’histoire d’une bande de pirates, on nous explique bien que boire de l’alcool, fumer et tuer des gens, c’est quand même pas bien (on notera que quand c’est les méchants qui boivent, fument ou tuent des gens, c’est moins grave, ou en tous cas moins sujet à disclaimer, tant qu’ils ne mettent pas du sang partout).

Et on en arrive à des conneries dans ce genre-là…

Personnellement, ça a tendance à me rappeler les petits e (des personnages s’embrassent sur la bouche hors des liens du mariage) et les grands V (il y a une bagarre avec du verre brisé) que les critiques cinématographiques d’un célèbre (dans le milieu) hebdomadaire catholique et familial ajoutaient aux classiques petits coeurs disant à quel point le film était à leur goût.

Et je trouve ça infantilisant.

La Team Premier Degré en force

De façon générale, c’est quelque chose que j’ai beaucoup de mal à accepter: être pris par la main par quelqu’un qui m’explique comment je dois appréhender une œuvre. Principalement quand il enfonce des portes ouvertes. Je n’ai pas besoin qu’on m’explique que si le film suit un personnage moralement discutable, ce n’est généralement pas pour qu’il soit un exemple à suivre.

Pareillement, si une situation dans un film me met mal à l’aise, j’ai d’abord la possibilité d’éteindre mon écran (je n’ose pas dire « de télévision », je regarde la plupart de mes films et séries sur mon téléphone). J’ai aussi la possibilité d’aller chercher des éléments de contexte (voir plus haut) et /ou de discuter avec d’autres gens qui ont vu le film.

Et puis surtout, je me renseigne un peu sur le film en amont de mon visionnage, ne serait-ce que lire le résumé. Ca doit venir du temps où je devais payer plein pot mes places de cinoche, je suppose (je me souviens de la seule fois où je suis allé voir un film au cinoche juste sur la bonne foi du titre – fête du cinéma, séance à peanuts, tout ça -, et où je me suis senti mal à l’aise pendant tout le visionnage parce que c’était quand même bien glauque, jusqu’au générique de fin qui m’a tout fait comprendre – c’était Charlie et la chocolaterie, par Tim Burton). Et je suis toujours ébahi de voir les gens découvrir qu’un film dont l’action se situe pendant la deuxième guerre mondiale contient des nazis ou qu’un film tourné dans les années 50 possède des traits qui étaient communément acceptés dans les années 50 (sans parler racisme et sexisme, on peut évoquer l’alcool et la clope coulant à flot).

Pour moi, c’est ce que devrait faire un adulte normalement constitué quand il regarde un film, et avant de le montrer à des enf… #OhWait

Les écrans nounous

En fait, je pense qu’il est là, le nœud du problème: le rapport que nous avons aux écrans et dont nous laissons les plus jeunes (et donc les moins éduqués, avec le moins de recul) y avoir accès. Avec l’explosion des services de VOD et la démocratisation des appareils connectés dès très jeune, n’importe qui a potentiellement accès à n’importe quoi. Et ces derniers mois, pas mal de parents ont utilisé ces écrans comme des moyens de canaliser leurs enfants pour pouvoir faire autre chose (genre travailler).

Et sans porter de jugement sur chacun des cas individuels (je serais le dernier à le faire, vu que j’utilise moi aussi cette solution), c’est un vrai problème de société, car les parents, qui devraient être les premiers contextualiseurs et filtres sur ce que regardent (et lisent, et écoutent, etc) leurs enfants, ne jouent plus leur rôle, et le délèguent à l’Etat/les plate-formes/des outils automatisés. Ce qui est dangereux, car rien de garantit que l’Etat ou les plate-formes seront toujours dans le camp du Bien.

Et parce qu’en France, tout finit par des chansons (ou en vidéo, cette fois-ci)
Attention, cette vidéo contient des dislaimers!