Entre deux trous

Je ponds un billet politique tous les 15 ans, et le fait qu’une personne au nom de stylo soit au deuxième tour de la présidentielle n’y est pas forcément étranger.

Il y a quinze ans, j’étais parfaitement hilare à la vue des résultats, et ce billet (à l’époque article dans le canard des élèves) intitulé « arrêtons la psychose » était un appel au calme et à la confiance: à l’époque, il était inenvisageable que le père soit élu et évident que Chirac serait réélu avec un score de république bananière, la défaite de la gauche au premier tour ayant été plus accidentelle qu’autre chose.

Quinze ans plus tard, la musique n’est pas la même.

D’abord, le visage de la politique en général a énormément changé. Les derniers hommes présentant un minimum de grandeur ont disparu du paysage. La campagne du premier tour a été d’une nullité et d’une vacuité rare. Et dix ans de bassesses, népotismes et copinages ont fini de siphonner le peu de confiance que les électeurs pouvaient avoir dans leurs représentants.

Ensuite, la physionomie du second tour est radicalement différente. Il y a quinze ans, on opposait un homme politique globalement respectable et pour le moins connu au père. Aujourd’hui, l’alternative face à la fille est un blanc-bec pas encore tout à fait sec.

Bref, le scénario de démocratie populaire n’est plus garanti, et il pourrait être possible que la France fasse un grand pas dans l’égalité homme/femme en élisant sa première présidente de la République.

Mais ce n’est pas une raison pour ne pas continuer à ricaner en regardant les gens crier au retour de l’hydre fâchiste. Pas parce que le scénario est improbable[1]celui du retour de l’hydre fâchiste, pas celui de 2017, qui part sur les mêmes bases déplorables que 2016, pourtant bien gratiné, avec GRR Martin à la baguette, mais parce qu’il faut appliquer la maxime de Figaro[2]le personnage de Beaumarchais, pas le journal: se dépêcher de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer.

Parce qu’au final, cette élection n’est qu’une pantalonnade. Au risque de faire crier certains de mes amis, je pense que, xénophobie mise à part[3]ce n’est pas un détail anodin, je le concède, la victoire de l’un comme de l’autre donnera une situation similaire:

  • aucun d’entre eux n’a de réelle expérience du pouvoir. Députée européenne et conseillère régionale pour l’une, pas de mandat électif et une pige comme ministre de l’économie pour l’autre, c’est un peu léger. Même en interne, leur expérience est réduite, l’une étant à sa place parce qu’elle est la fifille à son pôpa, l’autre ayant monté son affaire depuis moins d’un an
  • Ils sont peu et mal entourés. A ma droite, je n’ai pas besoin de présenter les soutiens, tous moins recommandables et compétents les uns que les autres. A ma… heu gauche, à quelques rares exceptions près[4]et ces rares exceptions contenant cette raclure de bidet de Pierre B., je ne vais pas trop m’attarder dessus, l’on retrouve tous les seconds couteaux de la politique des années 90, sans parler d’une cohorte de crevards plus ou moins opportunistes.
  • Leur programme est détesté d’une partie importante de la population. Pour l’une, je n’ai pas trop besoin de l’expliqué, tout le monde la déteste. Pour l’autre, les motivations sont diverses, mais qu’il s’agisse de son programme économique ou « sociétal », on retrouve le quinquennat précédent, mais en plus accentué, et je n’ai besoin de rappeler à personnes les manifestations importantes qui ont émaillé ledit quinquennat sortant, qu’elles soient de gauche ou de droite
  • De mon point de vue, aucun des deux n’a la stature d’un homme d’état d’envergure internationale (pas vraiment que les deux précédents l’aient eue, mais là, on atteint un niveau tel que je me sentirais presque légitime à côté d’eux)
  • Ils n’ont aucune chance de réunir une majorité absolue à l’assemblée

Et c’est là qu’on arrête de rigoler.

Quel que soit le résultat du 7 mai, les élections de juin vont donner une France totalement ingouvernable: le FN va inéluctablement faire une percée importante, mais il est illusoire de les voir rafler la majorité des sièges. En Marche est bien mignon à annoncer des candidatures de « nouvelles têtes », mais parachuter des inconnus est la meilleure manière de se prendre une veste légendaire dans une élection où le vote se joue à la réputation ou à la présence d’un appareil constitué (ce qu’il n’a pas). Les restes du PS tiendront bien encore dans quelques régions où ils pourront faire jouer leur ancrage local, mais la Bérézina de dimanche dernier laisse plutôt augurer d’une nuit des longs couteaux rue de Solférino. Le résultat des Insoumis est une grande interrogation. Quant aux Républicains, ils pourraient éventuellement espérer quelque chose s’ils arrivent à ne pas s’entredéchirer, ce qui n’est pas non plus forcément gagné.

Dans ma famille, il y a un dicton qui dit « Au premier tour, on choisit, au deuxième, on élimine ». Au second tour, j’éliminerai donc. Tout en restant persuadé que, plus que jamais, seul le triumvirat de ZoC Radio est en mesure de sauver la république…

PS: je m’excuse auprès de mes contributeurs habituels que je sais de grande qualité, mais, n’ayant pas vraiment le temps d’assurer le SAV du billet, j’ai préféré fermer les commentaires pour éviter les éventuels trolls de passage…

References

References
1 celui du retour de l’hydre fâchiste, pas celui de 2017, qui part sur les mêmes bases déplorables que 2016, pourtant bien gratiné, avec GRR Martin à la baguette
2 le personnage de Beaumarchais, pas le journal
3 ce n’est pas un détail anodin, je le concède
4 et ces rares exceptions contenant cette raclure de bidet de Pierre B., je ne vais pas trop m’attarder dessus