« C’est pas ma guerre »

J’arrive certainement après la bataille (une journée, à l’échelle de la trépidance des réseaux sociaux, c’est énorme), mais je découvre la mini-BD de Laurel postée ce matin suite aux événements belges d’hier. Et le tollé qui s’est ensuivi.

Et je veux dire que je la comprends

J’ai l’âge de Laurel, à quelques mois (ou quelques semaines) près, et je pense avoir reçu au collège et au lycée une éducation « classique » pour ma génération.

Et cette éducation, c’était un genre de positivisme béat teinté de lendemains qui chantent et de fin de l’Histoire consécutif à la chute du Mur de Berlin et du bloc de l’Est, et à la construction (à l’époque) florissante de l’Union Européenne.

En 1995, on fêtait les 50 ans de la réconciliation franco-allemande, et la plus grande période de paix que l’Europe ait connu depuis la fin de l’empire de Charlemagne. Le reste, c’était pas notre guerre.

On regardait les images nocturnes de la guerre en Irak comme un concert de Jean-Michel Jarre, on était appelés par Bernard Kouchner à apporter notre kilo de riz pour la Somalie, et on le faisait, en rangs serrés, avec la même dévotion que pour le bol de riz du CCFD[1]#Confession: j’ai séché les deux. Mais c’était pas notre guerre.

L’ex-Yougoslavie et plus tard la Tchétchénie n’étaient que des conséquences, dramatiques, certes, mais quelque part inéluctables de l’effondrement des régimes autoritaires, et la manifestation de « l’autodétermination » des peuples, pas forcément à bon escient. Mais c’était pas notre guerre.

L’airbus de Marignane, puis les attentats du métro en 95, c’étaient des tentatives de déstabilisation de notre position envers l’Algérie, et des reliquats de notre histoire commune. Mais c’était plus notre guerre.

On avait réussi à dépasser la guerre, à la tuer. Les ennemis héréditaires avaient réussi à dépasser leur lourd passif (deux guerres et quelques millions de mort, rien que dans les 30 années précédentes, c’est pas mal comme passif), alors rien n’était impossible.

Et même après le 11 septembre, le refus de Chirac d’accompagner les américains dans leur opération irakienne était là pour nous montrer, si nous en avions encore besoin, que nous pouvions nous positionner au delà de la guerre. Et Londres et Madrid étaient les conséquences de cette guerre qui n’était pas la nôtre.

D’ailleurs, les soldats que nous envoyions dans ces conflits n’allaient pas faire la guerre, mais « maintenir la paix » (ou en tout cas essayer) (et ce même si la différence ne devait pas leur sauter aux yeux)

Alors oui, pour ceux de ma génération qui ont cru (de bonne ou de mauvaise foi) au mythe de la paix acquise et éternelle, les coups bas de la réalité de ces derniers mois ont sûrement fait vachement mal.

Maintenant, il ne tient aussi qu’à nous de reconstruire cette paix que nous avons oublié d’entretenir…

Et comme je me rends compte que j’ai été un peu pontifiant, une petite vidéo de chez mes amis de Nanarland pour compenser (rassurez-vous, ça n’est pas Nicolas Sarkozy tout nu[2]oui, ils ont aussi ça en stock, et ça serait presque dans le sujet)

References

References
1 #Confession: j’ai séché les deux
2 oui, ils ont aussi ça en stock, et ça serait presque dans le sujet

2 commentaires

  1. Bon, n’y a pas que Jarre et Kouchner que vous avez séché mais aussi vos cours d’histoire pour écrire : « En 1995, on fêtait les 50 ans de la réconciliation franco-allemande »…
    Ce qui signifierai que la reconciliation franco-allemande a commencé en 1945 ? Dès le suicide d’Hitler ou après la capitulation ? Avant ou après la création de la République fédérale ?

    1. Je veux bien admettre un peu de licence poétique, mais on m’a (on nous a) vendu la fin de la 2e guerre mondiale en opposition avec le traité de Versailles: plus question d’humilier et de pressurer le vaincu, il s’agissait de l’aider à se reconstruire. Et tout le discours de 95 était justement tourné en ce sens: on ne célébrait pas tant la victoire sur le nazisme que les 50 ans de paix et la construction européenne qui s’en sont suivie.
      Alors oui, stricto sensu, les premier traités bilatéraux ont dix ans de moins, à une vache près, mais fêterait-on la journée de l’Europe le 9 mai (au lieu, je sais pas, du 25 mars) si 1945 n’était pas le premier jour de cette nouvelle étape?

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