Laissez venir à moi les petits enfants (dissipés)

C’est le grand débat de la presse catholique de ce début d’année (et un marronnier des conseils paroissiaux et de certaines sorties de messe): la présence des enfants à la messe. Et comme Twitter n’est pas l’endroit le plus adéquat pour partager des anecdotes et des avis quelque peu argumentés (même pour un auteur concis comme moi, 140 caractères, c’est peu pour développer, et Twittlonguer, c’est tricher), je profite de la tribune que je me donne ici pour vous faire part de deux histoires faisant partie de la tradition familiale (et peut-être d’une ou deux tranches de vie en plus, on verra)

La première histoire a lieu un petit matin d’hiver, dans les montagnes d’Auvergne. Une famille[1]je sais qui c’est, mais je ne dénonce pas les copains arrive avec un peu de retard à la messe dominicale des moines de l’abbaye (à l’époque ultramoderne, et maintenant au look terriblement seventies) de Randol, et veut s’installer, aussi discrètement que faire se peut, au dernier rang de la nef.

La nef de l'abbaye de Randol

Oui, il y a une légère déclivité en direction du chœur, qui aura son importance dans quelques instants

Las, une des filles de la famille, enrhumée[2]rappelez-vous, c’est l’hiver, sort de sa poche un mouchoir dans l’intention louable de s’essuyer la morve dégoulinante. Et là, c’est le drame. Car dans la poche, entourant le mouchoir, se trouvait la collection de bille de l’enfant, qui se répandit dans la nef, en claquant sonorement (et avec un écho pas possible) à chaque joint du carrelage au sol, dans le silence religieux de la prière monastique.
L’humiliation des parents n’aurait pas été totale si le frère portier ne leur avait pas dit à la sortie de la messe:
« Je suis désolé, les billes sont toutes passées dans la rigole[3]entre la nef et le chœur, au niveau des bancs de communion sur la photo, il y a une rigole fermée par une grille dans le genre des grilles d’évacuation d’eau, mais j’ai pu récupérer le calot »
en leur tendant la sphère de verre en question.


La seconde histoire met en scène votre serviteur. Alors vieux d’à peine quelques années, il prenait un malin plaisir à courir partout dans la cathédrale de Clermont, au grand désespoir de ses parents. Un dimanche, après que son père l’eut récupéré in extremis alors qu’il avait gravi les marches montant au chœur et commençait à faire de grands gestes d’imitation de chantre, il alla, honteux du spectacle déplorable proposé par son fils, s’excuser à la sortie de la messe auprès du célébrant. Celui-ci lui répondit:

« Vous savez, quand Jésus dit dans la Bible: « Laissez venir à moi les petits enfants »(Lc 18, 15-17), il veut dire « Laissez venir à moi les petits enfants dissipés« . Vous savez, les parents n’ont pas changé depuis 2000 ans: les enfants sages, on est contents qu’ils soient devant. Ceux qu’on veut planquer, c’est ceux qui ne font que des bêtises… »


On pourra noter que dans les deux exemples ci-dessus, les parents (outre le fait qu’ils ont eu leur lot de mortification publique) ont fait ce qu’il fallait pour tenter de circonscrire les dégâts, si tant est que ce fut possible. Et c’est de mon point de vue le noeud du problème (amis athées, ou pratiquants trop irréguliers de votre lieu de culte, vous pouvez le remplacer par un wagon une voiture de train): vous ne pourrez pas empêcher un enfant d’être insupportable (ou irresponsable) s’il en a envie. Ce qui est plus difficilement acceptable, ce sont les parents qui prennent un air détaché et ne canalisent pas l’excès de vie (ou de mauvaise humeur) de leur progéniture. Je me souviens encore avec admiration de ce père croisé quand j’étais encore étudiant, coincé entre deux voitures avec son enfant en pleine crise de colère (avec hurlements, roulades au sol et autres démonstrations sonores et visuelles) et s’excusant encore du (peu de) bruit qui passait à travers les portes d’isolation du compartiment…

Pour lire plus:
L’avis de Lagouelle
Une version policée de l’Evangile, par le père David Lerouge
L’article de blog de La Vie, celui par qui le débat a émergé

References

References
1 je sais qui c’est, mais je ne dénonce pas les copains
2 rappelez-vous, c’est l’hiver
3 entre la nef et le chœur, au niveau des bancs de communion sur la photo, il y a une rigole fermée par une grille dans le genre des grilles d’évacuation d’eau